jeudi 26 octobre 2017

Abraham, l évolution de la Création, Noah et Abraham



Paracha ''Béréchit-Noah-Lekh lékha''

Que signifie le mot ''Béréchit'' ''au commencement''?
 Cela signifie le début de la création. Le Midrash demande pourquoi la Torah commence par la création du monde et non par la première Mitsva donnée au peuple d'Israël car la Torah est le livre des Mitsvot? 
Pourquoi la Torah se montre t-elle plutôt comme un livre de la cosmogonie, de la Théogonie, du Dieu de la création plutôt que comme un livre de commandements et d'éthiques, un livre sur le comportement humain? 
Le Ramban explique qu'il est nécessaire de parler de la création car c'est la racine de toute la croyance en un Dieu créateur, c'est la source de la foi. Et celui qui ne croit pas dans ce commencement de la création c'est-à-dire qu'il pense que le monde est antérieur et non créé qui est l'avis de Aristote et de la plus grande majorité des penseurs grecs, renie le principe même de la création, il nie l'origine des origines. Il renie en fait le Dieu transcendant, le Dieu précédant la création. Le principe premier de la foi est qu'il y a un Dieu transcendant qui a créé le monde. Et celui qui ne croit pas à ce principe, tous les commandements de cette Torah n'ont aucun sens pour lui bien qu'il les accomplit. Pour cela, il faut d'abord affirmer le premier principe de cette croyance en Dieu même si cela n'est pas démontrable de manière expérimentale. Il faut savoir qu'il y a une racine, un début. Penser qu'il n'y a pas de commencement est remettre en cause toute la Torah, c'est la raison pour laquelle la Torah a commencé par ''Béréchit'', la description de la création. Rashi explique plutôt que la Torah commence par la création pour donner le droit à Israël de vivre dans la terre que Dieu lui a donné.
Ce sont deux vues différentes de la Torah. Il y a une vue anthropocentrique qui montre que la Torah a été donnée aux hommes (Rashi) pour leur enseigner comment se conduire et pour cela, il fallait commencer la Torah par la première des Mitsvot. Mais d'après la raison du Ramban, la Torah est une vue théocentrique ou Dieu est le centre et où toute la Torah tourne autour de cette connaissance divine. C'est le Dieu créateur qui nous fait prendre connaissance du commencement de la création. C'est la Torah du Dieu transcendant qui veut se révéler à la création.
Mais il ne faut pas tomber dans l'erreur que la création est le but ultime de la volonté divine. La création et les créatures aussi, d'après le Ramh'al, ne sont qu'un moyen, une étape et non un but en soi pour cette volonté primordiale, pour cette cause principielle qui est de révéler son unité. Et donc, si le but n'est pas la création, pourquoi donc avoir commencer par la création?
 En fait Dieu veut révéler une œuvre qui n'est pas en fait obligatoire mais il l'a choisie pour se révéler. Il aurait pu choisir une autre voie. Cette voie est la voie de la création dit le Ramh'al. Il y a d'innombrables autres voies que l'on ne peut même pas imaginer pour révéler son unité mais il a choisi cette voie de la création. Elle est essentielle et c'est pour cette raison que la Torah commence avec le récit de la création.
Le récit de la genèse vient nous révéler le Dieu créateur mais ce Dieu créateur n'est qu'un aspect de l'éternel. Selon la Kabbala, il y aurait plusieurs visages de Dieu et un de ses visages s'appelle le ''créateur''. Mais par ce visage, nous ne pouvons pas connaître cet être premier. On connaît le Dieu créateur et plusieurs peuples ont retenu cette idée unique de Dieu en tant que créateur. Mais pour Israël, ce Dieu créateur n'est qu'un aspect du divin comme il y a un autre aspect de Dieu qui est celui du Dieu libérateur qui nous fait sortir d’Égypte, qui nous fait sortir de notre perception limitée, illusoire et erronée, de cette prison psychique qu'est notre perception sensitive. Mais pour l'instant, avec Adam, Dieu se révèle en tant que Dieu créateur. Mais ce n'est pas l'unique visage de Dieu.
Avec Noah, nous allons comprendre un autre aspect de Dieu. Dans la génération de Noah', le monde atteint un niveau de dégradation totale, le chaos, la confusion et la débauche à tous les niveaux de la création. Cette débauche amène Dieu à décider non pas de détruire le monde mais de révéler ce second aspect, ce second visage. Il est vrai que cela passe par une certaine destruction du monde mais ce qui est important est de saisir une sorte de trame derrière tout le récit de la Torah où tous les événements décrits ne sont que des révélations des aspects du divin. Avec Noah, nous allons découvrir un nouvel aspect divin, le Dieu de la justice. Alors Dieu dit à Noah de prendre de toutes les espèces de créature ''mâle et femelle''. Le Ramh'al explique que cette dualité ''mâle et femelle'' est le principe même du Tikoun, de la réparation. Ce mélange de ces deux forces est en fait la véritable détérioration du monde. C'est aussi une confusion entre le ciel et la terre, deux pôles opposés qui se mélangent. Les cieux étant considérés comme l'énergie masculine qui engendre et la terre comme l'énergie féminine qui reçoit et qui produit. Il faut marquer une distinction, un firmament entre ces deux forces créatrices. À la génération du déluge, il n'y avait plus cette distinction et c'est ce qui a provoqué le chaos. Alors le visage de Dieu en tant que Dieu de la justice va alors se révéler. Ces visages dans la Kabbala sont appelés ''Partsoufim'' ce visage de la justice est lié aussi aux sept lois Noah'ides qui représentent les sept qualités inférieurs, les sept Séphirot inférieurs qu'il faut réorganiser. Ces sept Séphirot sont le fondement même qui constituent les bases d'une société saine. Ces sept Séphirot correspondent aussi au règne des sept rois primordiaux qui vont régner avant que ne règnent les rois d'Israël. Ces rois qui veulent dominer de manière individuelle ressentant chacun d'eux, une illusoire sensation d'autonomie qui sont le résultat de la brisure des vases. Ces sept causes de la création en voulant devenir rois se sont déconnectés de la cause première. La réparation de ces vases va se faire avec Noah. Noah va faire entrer dans l'arche sept spécimen de chaque sorte de bête pure et deux spécimen mâle et femelle pour les bêtes impures car le Tikoun passe toujours pas l'accouplement. Le couple qu'est le ciel et la terre, l'homme et la femme. C'est la confusion, ce mélange de ces deux forces qui a provoqué et engendré la confusion. Et justement par le déluge, Dieu dévoile son visage de justice qui est l'union de la bonté et de la rigueur. La bonté étant la fonction de l'expansion et la rigueur étant la fonction de la limite. Ces deux forces sont représentées par l'homme et la femme. Et c'est justement ces deux forces ''bonté-rigueur, homme et femme, masculin et féminin qu'il faut mettre en place grâce justement au Dieu de la justice. La justice stipule cet ordre qui est établie par les sept lois de Noah. C'est aussi la conduite de la rétribution, de la récompense et de la punition. Dans l'idée de l'arche de Noah, il n'y a pas que la notion de ''sauver le monde'' mais il faut surtout reconnaître la notion de justice divine, le Dieu de la limite, dans la limite et qui nous limite. Mais cet aspect de Dieu n'est pas seule, il y a bien d'autres aspects de Dieu qui définissent ses qualités mais non son essence. Nous avons vu donc un visage de Dieu créateur, du Dieu transcendant d'avant la création et avec Noah, un autre visage de Dieu, celui de la justice. C'est la conduite du jugement dans la dualité. La Torah n'est pas l'histoire des hommes mais c'est la Torah de Dieu qui va se réaliser par l'histoire des hommes.
Le troisième chapitre de la Torah est lié au récit de Avraham qui va révéler l'aspect du Dieu unique qui n'accepte plus d'autres dieux, d'autres divinités, d'autres forces indépendantes et séparées de lui. Jusque là, il a laissé les hommes aller dans des voies erronées de la divinité. Avraham va casser les statues représentant les dieux de son père. Ces dieux étant des représentations des envies de l'homme, il y a un dieu pour la subsistance, un dieu pour la guérison, pour le mariage... avec Avraham, nous arrivons au monothéisme, au Dieu unique diffusant toutes ces différentes énergies. Avant Avraham, ce Dieu unique agissait mais ne se faisait pas connaître. Avec Avraham, nous avons affaire à un Dieu que l'on ne voit pas mais que l'on entend. Avraham est le premier prophète. Il connaît Dieu par la parole. Sa première parole était qu'il parte de son pays, de cette perception idolâtre de la vie, de toutes ces connaissances qui sont sa matrice. Quitter la ville où est né Avraham, ''Our Kasdim'' qui est le berceau de toutes les civilisations. Avraham quitte alors une très grande civilisation! Pour aller dans une terre en friche, sans aucune civilisation.
 Il doit quitter cette perception humaine d'une extrême complexité pour arriver à la perception divine complètement épurée de toute notion humaine et duelle. Et c'est en quittant cette terre berceau de la civilisation pour entrer dans cette terre de Kanaan qu'il va réussir à percevoir quelque chose d'insaisissable, la parole de Dieu.
 Quand Dieu dit à Avraham de quitter la terre, cela veut dire ''quitter ce monde construit par la perception des sens'', sort de toutes les sciences issues de ces sens, de l'intelligence humaine. La connaissance de Avraham est énorme avant de connaître Dieu. Il avait une maîtrise sur toutes les forces angéliques qui se diffusent dans la matière. (il y a une tradition que toutes les Médecines orientales notamment les centres énergétiques, la Medecine par les plantes, ...proviennent du livre d'Abraham). Mais il a cherché la cause première et non les causes proches de toute chose. Il rejetait les causes proches que les gens ont rendues divinité. Lorsque les causes apparaissent, ce sont les divinités qui apparaissent, ce sont les lois de la nature, c'est cela l’idolâtrie. C'est la cause de toutes les causes que Avraham recherchait. Et en allant en terre de Kénaan, il trouve le point central, la pierre fondamentale qui est la racine de toutes les humanités. C'est la matrice du monde. Mais qui est au-dessus de ce point? 
C'est cela qu'il va découvrir par la voix et non par l'image. Il va comprendre que Dieu est aussi dans l'histoire non dans l'histoire des hommes mais dans l'histoire divine qui a un but précis: révéler son unité dans la création. Les hommes n'étant que l'expression de cette histoire de l'unique. 
Avec le premier homme, c'est le Dieu de la création qui s'est révélé par la création mais non le Dieu de l'histoire. Avec Noah c'est le Dieu de la loi, le sens des responsabilités qui incombent à l'homme. Avec Avraham, le Dieu universel s'est révélé, le monothéisme est apparu et ceci par la négation des autres Dieux. Ce n'est pas une perception active mais passive. Il n'est à ce niveau qu'une voix. Dans l'épreuve de la ligature de son fils, la voix de Dieu lui montre que même sa compassion ne doit pas être ce qui le dirige. Il ne faut pas la transformer en divinité. Certaines religions se trompent et font de la compassion un Dieu. Le Dieu universel contient tous les aspects qui se révèlent dans la création. En limitant Dieu à ses qualités, l'homme lui donne une forme, il le caractérise. Comment peut-il être amour et rigueur en même temps?
 Car en fait il est le Dieu des contraires, des paradoxes. Avraham va donc connaître Dieu par la négation. (il n'est pas amour, il n'est pas rigueur, il n'est pas compassion...). La plus grande épreuve qu'a traversé Avraham est son départ pour la terre de Kénaan car à ce moment, Dieu révèle une qualité qui est au-delà de l'universalité de l'humanité, se séparer du monde pour aller dans une terre isolée. Et donc Dieu lui montre qu'il y a une terre choisie et de même il y a un peuple choisi. À partir de Avraham, Dieu veut montrer qu'il y a une âme aux nations. Dieu veut alors construire non pas une nouvelle humanité mais une âme à cette humanité. C'est cette épreuve que Avraham a du mal à accepter. Ainsi au moment de l'ordre de la circoncision, il va demander conseil à ses amis! Pourquoi? Car il voit dans cet acte, une manière de se singulariser. Cette alliance avec Dieu, il ne la comprend pas car cela sous-entend, une séparation d'avec l'humanité. Cette singularité qu'elle soit au niveau du corps ou de la terre, est en fait une élévation pour toute l'humanité. Le Dieu qui est apparu à Avraham est un Dieu souverain qui domine toute chose et que rien n'influence. Pour lui être fidèle, il faut accepter les paradoxes, à savoir cette dualité du bien et du mal. Il faut accepter cette injustice qui surnage au-dessus de la création. Avec Noah, nous percevons la justice alors qu'avec Avraham c'est l'injustice qui apparaît avec le sacrifice de son fils. Qu'est-ce que l'injustice remet en cause si ce n'est la loyauté de Dieu, sa sincérité! Non, en fait elle remet en cause juste l'idée que nous avons de la justice qui est une perception anthropocentrique de la notion de justice. La justice divine n'est pas une justice humaine changeante et intéressée. Il nous faut nous annuler devant la volonté divine et ne pas croire que nos envies sont volontés divines. Il nous faut nous abandonner au gré de cette énergie divine qu'est la volonté divine. Et par ce lâcher-prise, l'homme amène le monde à la perfection.
 Mais cette idée de perfection, ce n'est pas Avraham qui va la révéler dans le monde, c'est avec la Torah de Moshé que cette notion de perfection va se révéler, la voie de l'éternité. C'est le Dieu de la libération qui va se dévoiler à Moshé. Le véritable message de la Torah est l'évolution même du divin c'est-à-dire la révélation même de l'être premier. Au début, il n'est que créateur, après il est justice pour devenir gouverneur. Et pour cela, il définit ce que l'on appelle le cœur du monde, l'âme du monde. Mais à la fin, Dieu va nous libérer du temps par la sortie d’Égypte. Il nous libère de la limite. Dieu est l'idée de l'éternité et de l'infini. On peut dire que la Torah vient nous apprendre les différentes configurations de la Torah. Avec la création, on n'a pas affaire avec l'infini mais plutôt avec la limite, le fini, le Tsimtsoum. Pour cela Aristote s'est trompé car il pensait que le monde lui-même était Dieu. Mais la Torah est là pour montrer l'évolution de la création vers la complétude, vers l'éternité.
Rav Mordékhaï Chriqui (5777)
Retranscription Rav Michael Smadja
Publie par la Source des sagesses

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